jeudi 25 novembre 2010

Finances et tradition



Azaan :
Le spot de la banque islamique Zitouna ne me gêne pas seulement, il me révolte carrément. Comme si c'était normal que ces GENS là EXISTENT. On leur donne une légitimité qui ne doit pas exister parce qu'ils menacent TA liberté et la mienne. Le fait de leur donner de la légitimité fera qu'ils vont nous manger. D’ailleurs, ils l'ont fait en grande partie depuis dix ans et ils avancent encore. Tu ne le vois peut-être pas aujourd’hui mais le jour où ces personnes, que tu as l'air de défendre, auront un tant soit peu de pouvoir, tu verras le monde à travers des trous dans les murs d’un cachot.
En y pensant bien, ça ne m'étonne aucunement que les gens ne réalisent pas ça. C'est évident. Malheureusement, la croyance des "petits" pieux (ceux qui sont en apparence modernes et normaux) les empêche de faire la part des choses, et ils considèrent ça comme normal pour blanchir leur note face à Dieu.
Soixante ans d'acquis sociaux. Taher El Hadded, Bourguiba, les esprits illustres de notre nation : ces gens-là leur pissent dessus.
Tu es là ?

Jahia :
Oui…

Azaan :
Tu sais, quand tu es CONTRE les rétrogrades obscurantistes, tu n'es PAS contre l'Islam. Garde ça en tête. C'est peut-être même le contraire.

Jahia :
Vois-tu, ce qui nous différencie c’est que je ne vois pas ces gens comme des rétrogrades religieux. Je comprends ce qui te gêne dans ce spot. L’image de cette femme, assise, voilée, muette. Le banquier ne lui parle pas, il s’adresse directement à son mari, qui lui répond sans se concerter avec son épouse. Oui, je peux tout à fait concevoir que cela te révolte. Mais moi, je le vois comme un comportement culturel.
En prenant l’exemple de mes parents, je me dis que ça se passerait de la même manière. Mon père parlerait, ma mère se tairait. Je me reconnais dans ce spot et je reconnais ma famille. Je pense qu’ils cherchent à toucher des gens traditionnels et non des gens très « islamisés ».

Azaan :
Pour la première partie je dirais : "Bien sûr puisqu'on a toujours fait comme ça. Je ne vois pas pourquoi on ferait autrement". Ah, le traditionalisme…
Allez je vais être gentil. Si ce n’est rétrograde, c'est en tout cas statique dans un monde qui avance. Et quand la voiture à côté de toi avance, n’as-tu pas l’impression de reculer? En 2010, il est temps que la femme en Tunisie s'émancipe, et non le contraire.

Jahia :
Mais quelle est cette avancée dont tu parles ? La façon avec laquelle les médias tunisiens dépeignent la femme ? ça me donne envie de vomir ! Pourquoi ne condamnes-tu pas ces feuilletons tunisiens ? Pourquoi s’attaquer toujours à ceux qui essaient de calmer les esprits ? Toujours cette liesse vers la décadence. Les méfaits sont, à mon avis, pires qu’un spot publicitaire « rétrograde ».

Azaan :
L'avancée est l'égalité. La femme est une personne égale à l'homme. Elle peut être capable de prendre des décisions. Comparer avec les feuilletons ne m'intéresse pas et à la limite, pour moi, une femme conne et libre c'est mieux qu'une femme dont on ne sait rien parce qu'elle est prisonnière. Je ne condamne pas ces feuilletons car ils s'inscrivent dans le 21e siècle, et non pas le 11e.

Jahia :
HA HA HA ...

Azaan :
Je t'assure, on va droit dans le mur. Toi la première. Tu riras beaucoup moins quand les barbus prendront le dessus. Tu peux te permettre là, tu as l'impression d'avoir de la marge. Mais c'est par ignorance, car tu n'es pas au courant de ce qui s'est passé avant, ni de ce qui se passe ailleurs.
Tu ne réalises pas que si tu peux aller chez le coiffeur, prendre ta voiture et sortir c'est grâce à Bourguiba et Taher El Hadded. Tu craches dans la soupe sans le réaliser, comme un gosse de riche qui se révolte à 13 ans.

Jahia :
Tu peux arrêter de m'attaquer personnellement?

Azaan :
C’est juste que ça m'étonne que tu dises des choses comme ça. Tu profites du système et tu veux protéger son contraire. ça m'étonne c'est tout. C'est pour ça que je parle de toi...

Jahia :
Je ne me reconnais pas dans l'image qu'on donne de la femme en Tunisie. Je penche plus vers cette femme qui ne parle pas car elle est pure, plutôt que cette femme manipulatrice, calculatrice et qui ne fait que crier.
Rien ne me choque dans ce spot. Une femme qui ne parle pas dans un dialogue avec un banquier, n'est pas une femme soumise, c’est une femme qui respecte la parole de son mari.

Azaan :
Elle ne parle pas car elle est pure. T'es sûre que tu n'es pas dans l'utopie totale là? Ne pas parler empêche la femme de penser peut-être? L'honnêteté intellectuelle n'est pas de dire ce qu'on pense?

Jahia :
Ce que je veux dire, c'est qu'on ne combat pas les barbus avec l'autre extrême, et le traditionalisme c’est aussi une façon de la combattre. Etre traditionnel n'est pas être rétrograde. Et puis, une banque islamique, ce n’est pas forcément des barbus.

Azaan :
Pour moi ce n'est pas bien loin. Une banque islamique c'est fondamentaliste. Regarde la définition. Le fondamentalisme religieux est très dangereux.

Jahia :
Donc, une banque pour les agriculteurs ou une banque pour jeunes ne te gênent pas, mais une banque pour des personnes partageant la même religion…là, wouuuuh!
Il ne faut pas oublier qu’il existe encore des gens qui gardent leur argent sous le matelas mon cher, pour ne pas avoir à les mettre dans une institution qu’ils jugent contraire à leur croyance religieuse. Je comprends parfaitement qu'on puisse se sentir sécurisé par une banque islamique. Personnellement, ça ne me sécurise pas du tout (pour diverses raisons), mais je le conçois.

Azaan :
Pourquoi une banque islamique me gêne? C'est fondamentaliste. Pourquoi c'est fondamentaliste? http://fr.wikipedia.org/wiki/Fondamentalisme. Pourquoi le fondamentalisme me gêne? http://fr.wikipedia.org/wiki/Fondamentalisme. On comprend pourquoi les religions ont horreur de la culture.

Jahia :
Alors là ! J’avoue ne pas avoir fait une lecture profonde du Coran. Mais il ya une chose que je sais parfaitement bien, c’est qu'on y dit explicitement qu'il faut toujours lire, se documenter, se cultiver. La connaissance scientifique fait pleinement partie de l'Islam.

Azaan :
Possible que l'Islam soit l'exception dans ce sujet, mais alors dans ce cas, personne n'a rien écouté dans le monde arabo-musulman. Les cancres du monde.

Jahia :
Tout à fait. Ce que j’exècre justement ce sont ceux qui combattent cet obscurantisme en rejetant totalement l'Islam et en allant vers l'autre extrême qui est à mon avis tt aussi dangereux : la déchéance...

Azaan :
Oui comme en Suède, en Allemagne, en Espagne, en France, au Japon où les gens se tournent vers l'athéisme… Les pauvres... déchéance totale !
Et d'ailleurs, si c'est aussi clair, pourquoi personne n'a rien écouté? Si ce n’est pas clair, pourquoi même les plus grands imams n'ont pas écouté? Faut-il être un génie pour comprendre l'Islam? Est-il destiné à 3 personnes alors que tous les autres comprennent le contraire de ce qu'il dit?


Jahia :
Parce que, malheureusement, lorsqu’on s'approfondit dans l'Islam on en oublie les sciences. C’est pour ça que je suis intimement convaincue qu'il faut étudier les sciences avant de se tourner vers la religion et s'y approfondir. Il faut posséder un esprit critique, une capacité d'analyse, une connaissance scientifique pour ne pas se laisser aller à une lecture obscurantiste. Malheureusement oui, la plupart des imams sont des ignorants. OUI !

Azaan :
Question simple : Peut-on dire d'une doctrine merveilleuse qui est à 99% mal comprise et instrumentalisée à mauvais escient qu'elle est bonne?
Solution simple : La religion à la maison ! Pas un pas dans l'espace public. La laïcité.

Jahia :
Oh mais je suis totalement pour la laïcité!!! Non pas comme celle appliquée en France, qui est plutôt la NON religion! Mais je suis contre le fait d’avoir une religion d'Etat.

Azaan :
En quoi la laïcité devrait être différente de celle en France? Je ne comprends pas.

Jahia :
Je ne suis pas contre le port du voile. Je ne suis pas contre les banques islamiques. Je ne suis pas contre les signes ostentatoires religieux.

Azaan :
Dans une société monoculturelle ça peut passer (sauf pour les burqas). Dans une société multiculturelle ça peut créer des tensions. Dans une société aussi fragile et inculte que la nôtre, on peut basculer d'une seconde à l'autre dans l'intégrisme donc c’est dur d'être conciliant...

Jahia :
Il faut se poser la question : ma religion est-elle ce que je pense, comment j'agis ou aussi ce que je suis.
C’est-à-dire, ma religion est-elle seulement ma foi ou également mon identité? Bien entendu, la majorité des musulmans voient leur religion comme une identité et c’est là que ça pose problème, parce que, et c’est légitime, on cherche alors à affirmer cette identité.

Azaan :
On veut affirmer cette identité depuis pas longtemps. C'est un repli sur soi causé par le conflit israélo-palestinien et la guerre en Irak. A part ça, il faut se poser la question et SE répondre. En silence.

Jahia :
Sinon ça va?

Azaan :
Oui.

vendredi 19 novembre 2010

Le lion, l'autruche et le censeur

Azaan: 
Je viens de lire un article très intéressant, contre la censure. 

Jahia: 
Oui probablement...Tu sais quoi? Je commence à m'en foutre carrément de ce qui se passe dans ce pays.

Azaan: 
Pourquoi?

Jahia: 
Parce que c’est une perte de temps et d'énergie. En y réfléchissant, je préfère les perdre à faire quelque chose de ma vie. 

Azaan:  
Comme quoi ? 

Jahia: 
Me cultiver, préserver mon intégrité… plutôt que combattre un adversaire invisible.

Azaan: 
Tu es belle. Mais je ne sais pas, je me dis que combattre les forces du mal donne un sens à la vie, comme faire des enfants. 

Jahia: 
Probablement, ça donne un sens si tu réduis ta vie à ta citoyenneté. La vie est plus grande que ça.

Azaan: 
C’est une empreinte incertaine qu'on laisse sur terre.

Jahia: 
Je ne suis pas d'accord. De toute façon, les choses changeront d'elles mêmes, lorsqu’il ne sera plus là. A ce moment précis, il faudra réagir et réclamer des choses.

Azaan: 
Les choses ne changent qu'avec les hommes

Jahia: 
Mais toujours au bon moment ; là, on ne peut rien faire.

Azaan: 
Lorsque le bon moment se présentera, il faut qu'il y ait des gens au taquet.

Jahia: 
Il ya tellement de choses à faire pour soi, là, maintenant ; et je me dis, bordel ! Tant d’énergie perdue. Tous ces jours où j’ai déprimé, pour cette raison ou pour d’autres, j’aurai achevé tellement de choses. Je serais probablement une autre personne, plus accomplie. 

Azaan: 
Mmm… peut-être, peut-être pas. Moi et le conditionnel, tu sais, on n’est pas potes, une histoire d'effet papillon qui gâche tout entre nous. 

Jahia: 
Oui, bref… Tout ça pour te dire que j’ai décidé de m'en foutre. Je vis ici, autant y vivre pleinement. 

Azaan: 
Moi, par contre je ne m'en foutrai pas, je te le dis tout de suite. Parce que le fait de m'occuper de moi inclut de me préoccuper des choses du monde. 

Jahia: 
Ceux qui parlent, ne le font pas car ils ont osé le faire, mais parce qu’ils peuvent le faire. En gros, ils ne prennent aucun risque.  Beaucoup applaudissent la moindre initiative sans chercher les raisons. 

Azaan: 
Oui, je le sais bien.
Mais beaucoup de gens peuvent parler. Pourquoi seuls quelques’ uns élèvent la voix ? 

Jahia: 
Parce que ça les a touchés directement. 

Azaan: 
Plein de gens sont bien placés. Pourquoi seuls quelques’ uns parlent ? 

Jahia: 
Leurs intérêts ont été touchés. 

Azaan: 
Oui. Mais là je pense que c'est bien. C’est comme…j'essaye de te trouver une belle analogie. Moi, je veux prendre un poste de manager, on me le donne parce que le manager a crevé et que la boîte a besoin de remplacement rapide, je le refuse?

Jahia: 
Je ne vois pas l'analogie 

Azaan: 
Je veux dire que c'est une chose de bien dans l'absolu, dans ses conséquences. Si les conséquences sont bonnes, doit-on se soucier des causes? 

Jahia: 
Doit-on se soucier des causes…Je pense que oui.

Azaan: 
Peut-être… 

Jahia: 
Parce que les mêmes causes entraînent les mêmes conséquences et réversiblement,  d'autres causes donneront d'autres conséquences


Azaan: 
Les causes finissent toujours par se répercuter, mais il s'agit d'un problème complexe, deux plateaux sur une balance, tu vois un peu? D'un coté une action avec des mauvaises causes qui peuvent se répercuter négativement, de l'autre des conséquences probablement positives et immédiates. A méditer, je ne trancherais pas aussi vite.

Jahia: 
Oui.